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Avec le projet de loi 40: «Selon nous, ce ne sera pas meilleur» – Christian Aubin

«On a toujours pensé que les profs sont maîtres de la note parce qu’ils sont capables de voir l’effort», note Christian Aubin.

Photo Mychel Lapointe

Avec le projet de loi 40: «Selon nous, ce ne sera pas meilleur» – Christian Aubin

Publié le 03/12/2019

«J’ai un ami médecin spécialiste qui m’a parlé de Barrette (Gaétan, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux) et de sa façon de tout «bulldozer». Ils l’ont critiqué dans le temps. Le ministre Roberge (Jean-François, Éducation et Enseignement supérieur) c’est un peu le même principe. Il nous dit «moi, je sais ce qui est bon. Je m’en vais par là. On éclate la structure (…) Selon nous, ce ne sera pas meilleur. Dans le fond, c’est un projet de loi où le ministre va s’abroger de nouveaux pouvoirs. C’est ça l’idée. Je trouve que c’est un peu comme la Réforme Barrette, en santé. Le projet de loi, va lui amener d’autres pouvoirs», analyse Christian Aubin.
On l’aura compris: le président du Syndicat de l’enseignement de la Rivière-du-Nord (SERN) n’est pas particulièrement entiché du projet de loi 40 (Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires).
C’est ce qu’il a exprimé mardi matin dernier (26 novembre), au cours d’une rencontre avec Infos Laurentides.
Tripoter les notes
Christian Aubin en a particulièrement sur certaines composantes; dont celle-ci:
«L’exemple le plus frappant: quand il était dans l’opposition, il s’était offusqué que les directions d’école tripotaient les notes. Dans son projet de loi, il va admettre que les directions d’école (puissent le faire), après une consultation (genre: «bonjour Christian, je t’ai consulté, maintenant, je vais changer sa note»). On a toujours pensé que les profs sont maîtres de la note parce qu’ils sont capables de voir l’effort. Maintenant, juste par des consultations et des consultations, il va y avoir beaucoup, parce que la pression vient de partout, des parents, des enfants, des projets particuliers, ils vont vouloir changer la note. Le prof n’aura plus de contrôle là-dessus».
Et encore:
«Il (le ministre Roberge) veut inclure les formations pour les enseignants. Les enseignants, ils en ont des formations, mais là il va vouloir les forcer. S’ils ne se présentent pas, il va y avoir des sanctions. C’est assez particulier. Ce qu’on dit, c’est que les profs veulent pouvoir choisir les formations (qu’ils jugent utiles)».
Doléance similaire en regard du rôle qu’on réserve aux enseignants sur le plan décisionnel.
«Au conseil d’établissement de l’école, il y a une parité profs-parents. (Au sein) des agences intégrées: un seul enseignant. Le professionnalisme des profs est important pour nous. On est diminués dans l’organisation. Le feeling qu’on a c’est que ce sont les parents avec la direction d’école qui vont pouvoir décider comment ça va se passer dans l’école (…) Les projets particuliers, plus ça se multiplie, plus on enlève des élèves dans certains groupes, les groupes deviennent plus faibles. (Avec les parents qui vont avoir plus de pouvoirs), on va pouvoir multiplier ça. Je ne pense pas qu’on va améliorer la situation».
Existe-t-il actuellement une bonne communication parents-enseignants?
«Règle générale, je dirais que oui. L’influence est à peu près égale. (Sauf que) quand le directeur veut quelque chose, il tente d’influencer les parents. Et là, les profs tentent d’expliquer aux parents et les parents doivent se situer».
«Ça te semble bien bon»
Parlant de se situer, le président Aubin a également des interrogations quant au rôle des commissaires et, dans certains cas, leur compréhension de certaines choses.
«Je n’avais rien contre le conseil des commissaires (il en parle au passé, notamment, parce que le projet de loi 40 parle de les abolir). Mais qu’est-ce qu’ils connaissent, à part l’intérêt qu’ils avaient pour les jeunes? Le budget? Tu es commissaire. Tu n’as jamais vu un budget de ta vie. On parle en termes de millions de dollars. Tu te dis que ça te semble bien bon, parce que la directrice générale a dit que c’était correct».
(En fait, selon lui) «tout dépend d’où tu viens (ta formation). C’est gros une commission scolaire. C’est la direction de la commission scolaire qui martèle. Une directrice générale, trois directeurs généraux adjoints, un directeur des ressources humaines qui viennent vous dire que c’est bon. Il n’y a personne qui dit que ce n’est pas bon (…) La structure avec des commissaires ne fonctionne pas. Les gens ne votent pas pour ça. Donc, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour améliorer ça. Pourquoi pas des profs au conseil des commissaires où ils pourraient donner leur point de vue».
«Le reproche que je fais: je suis ici (à la commission scolaire) depuis 30 ans, dont 25 dans le syndicat. En 30 ans, aucune proposition du syndicat n’a été acceptée. Je me dis: le système ne fonctionne pas. Je ne peux pas être juste toujours consultatif. Je dois quand même en 25 ans avoir eu une idée qui est pas pire. La réponse a été: non, jamais. Le conseil des commissaires est là pour les enfants. Je suis là pour mes membres. Est-ce que, parce que je propose quelque chose pour mes membres, je suis contre les enfants?»
«Par exemple, comme j’avais déjà dit à Mme Allaire (Lise, ex-directrice générale de la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord): on nous consulte sur le calendrier scolaire, mais, en 25 ans, il n’y a aucun de nos choix qui a été retenu».
«Il va rester des gros morceaux»
En outre, quand on demande au président Aubin s’il a l’impression que certaines choses vont changer au terme de l’actuelle commission parlementaire sur le projet de loi 40, sa réponse est un mélange d’espoir et de réalisme.
«Il semble y avoir une écoute. J’ai vu Jolin-Barrette (Simon, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration) faire des excuses pour la loi sur l’immigration. Il (le ministre Roberge) ne la mettra pas aux poubelles sa loi. Elle va passer. Qu’est-ce qui va arriver, je ne le sais pas, mais, d’après-moi, il va rester des gros morceaux qu’on ne trouvera pas agréables», note-t-il.
Lui pour qui «le ministre a oublié d’où il venait», faisant référence à son passé d’enseignant.