L’annonce des restrictions budgétaires imposées par Bernard Drainville, à la tête du ministère de l’Éducation jusqu’au remaniement ministériel de Québec de septembre dernier, a freiné l’embauche de professionnels dans le milieu de l’éducation et ce, à la grandeur du Québec.
Est-ce que la nouvelle ministre de l’Éducation, Sonia LeBel, saura empêcher l’hémorragie qui touche les professionnels qui encadrent les élèves dans les écoles regroupées par les centres de services scolaires ? Malgré l’annonce d’une plus grande liberté accordée aux directions concernant l’embauche des professionnels, les sommes budgétaires leur étant attribuées, elles, n’ont pas été revues à la hausse.
Les données recensées par le Syndicat des professionnelles et professionnels de l’éducation des Laurentides-Lanaudière laissent entrevoir une nette diminution d’embauches pour l’année 2025-2026, comparativement à l’année scolaire antérieure.
Sur le territoire du Centre de services scolaires Rivière-du-Nord, par exemple, seuls deux psychologues offrent leurs services à l’ensemble des élèves du secondaire du territoire, et huit psychologues suivent des écoliers du primaire. Ils étaient 14 à la rentrée 2024.
Pour l’ensemble des écoles du CSSRDN, on ne dispose que de six travailleurs sociaux, au lieu des dix à l’emploi durant l’année scolaire 2024-2025. Même situation pour les orthophonistes, qui sont passés de 31 à 23 professionnels, alors que les psychoéducateurs, qui étaient au nombre de 44 en 2024, ne sont maintenant que 29 officiellement – et même 22, puisque les absents n’ont pas été remplacés – tandis que les conseillers pédagogiques se chiffrent cette année à 66 plutôt qu’à 80.
On parle aussi de travailleurs en comptabilité, en informatique, en ressources matérielles, des ingénieurs et architectes, où les impacts se font sentir dans tout le réseau éducatif, martèle Josée Yale, présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels de l’éducation des Laurentides-Lanaudière. Selon ses chiffres, on comptait 277 professionnels en poste à la rentrée 2025 au lieu des 323 relevés à l’automne 2024, pour les quatre centres de services scolaires dans les Laurentides et dans Lanaudière.
Inquiétudes
Au courant de l’automne, le réseau de l’éducation attendait toujours un engagement de la part du gouvernement à l’effet que les services aux élèves dans les établissements ne seront pas touchés par les coupures. Et s’en inquiétait.
« On a coupé en juin, dans l’urgence et la précipitation, des sommes faramineuses servant à des professionnels et des techniciens en éducation et à des programmes. (…) », indiquait Kathleen Legault, présidente l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES) sur les ondes de Radio-Canada en juillet dernier.
La présidente du Syndicat de l’éducation de la Rivière-du-Nord, Annie Gingras, ne peut s’empêcher de déplorer la situation. Bien que les coupures n’aient pas touché les postes d’enseignants, ceux-ci subissent les impacts des postes professionnels en moins, notamment ceux d’orthopédagogues, qui leur offraient un soutien auprès des élèves en difficulté d’apprentissage.
« Il y a eu des remaniements, aussi les enseignants sont davantage surchargés, avec plus d’élèves dans leur classe. Ils demandent du soutien en classe. Certains enseignants étaient libérés d’une partie de leurs tâches pour être enseignant-ressource afin d’aider les élèves en difficultés et pour faire du mentorat auprès des jeunes enseignants et ceux non-qualifiés. On les a non seulement coupés de leur libération, mais on leur a ajouté un groupe supplémentaire. Ça, ce sont des impacts », explique Mme Gingras.
Le nerf de la guerre
Josée Yale souligne pour sa part que la rigidité budgétaire rend l’embauche difficile, avec les cibles entourant les postes à temps complets. Surtout en présence des professionnels en arrêt de travail qu’il faut continuer de payer, ce qui s’ajouterait au salaire du remplaçant. Donc, on ne les remplace pas.
« C’est beaucoup là, le nerf de la guerre. Avec le budget imposé, il y a des postes abolis, mais aussi des postes qui ne sont pas remplacés. Et ce sont les élèves en difficulté ayant besoin de soutien qui en paient le prix. Donc dès qu’il manque quelqu’un, ça a un impact sur tout le personnel. »
Mme Yale rapporte le cas d’une psychoéducatrice qui desservait trois écoles l’an dernier. Cette année, elle doit se déplacer dans cinq écoles. « Donc, les élèves qu’elle va voir, ce seront les élèves qui vont déranger le plus qui vont obtenir le plus de soutien », constate-t-elle.
Lors des affichages de juin, plusieurs postes n’ont pas été comblés ou remplacés en raison des mesures annoncées en juillet par le MEQ, dont bon nombre de travailleurs sociaux non permanents, fait remarquer Mme Yale, en ajoutant que tous les travailleurs sociaux qui n’avaient pas leur permanence à ce moment-là, ont vu tout simplement leur poste aboli. Cinq travailleurs sociaux ont ainsi perdu leur emploi en juin dernier.
Et les changements ne sont pas pour demain. Lors de sa dernière rencontre avec le directeur général du CSSRDN, René Brisson, et la directrice des ressources humaines du CSSRDN, Marie-Isabelle Roy, Mme Yale a appris qu’un dépassement de cibles en « équivalents temps complets » serait suivi de pénalités.
On lui a néanmoins laissé savoir qu’il était question de l’embauche prochaine d’une psychologue pour le CSSRDN, actuellement desservi par une seule psychologue. Mais trouvera-t-on quelqu’un intéressé à prendre un poste qui risque éventuellement d’être coupé ? Voilà une question à la réponse plus qu’incertaine, estime Mme Yale.

MOTS-CLÉS
Coupure en éducation
Syndicat de l'éducation de la Rivière-du-Nord
Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord
Bernard Drainville