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Des ressources pour les femmes en situation difficile débordent

Photo : Réseau des femmes des Laurentides –

Les membres du RFL en assemblée le 5 juin 2025 lors de la commémoration de la Marche du Pain et des Roses.

Des ressources pour les femmes en situation difficile débordent

Publié le 27/06/2025

Les ressources manquent pour aider les femmes en situation précaire dans les Laurentides. C’est le constat que font le Réseau des femmes des Laurentides (RFL) et plusieurs de ses membres quelques jours après le 30ᵉ anniversaire de la Marche du Pain et des Roses.

Le Réseau des femmes des Laurentides soulignait le 5 juin l’anniversaire de la Marche du Pain et des Roses, un événement remontant à 1995, au cours duquel près de 850 femmes ont marché jusqu’à l’Assemblée nationale pour la cause des femmes en situation de pauvreté. Malgré les avancées de la condition féminine, le combat n’est pas terminé, juge Sophie Gilbert, responsable du développement du RFL.

Plusieurs organismes membres du RFL ont de plus en plus de difficulté à répondre aux besoins de leurs usagères. Qu’il s’agisse de violence conjugale, violence sexuelle, maladie grave, pauvreté, toxicomanie, itinérance ; les causes sont multiples et la demande ne dérougit pas.

Des maisons d’hébergement pleines

Dans les maisons d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, on refuse des femmes, faute de places disponibles, rapporte Sophie Gilbert. Une réalité aussi dépeinte par Maryse Lachaine, directrice générale de la maison d’hébergement Le Mitan, à Sainte-Thérèse.

L’hébergement offert par l’organisme est « constamment complet », affirme Mme Lachaine. Si toutes les places au Mitan sont comblées, les femmes sont redirigées vers SOS Violence conjugale afin d’être hébergées ailleurs, parfois hors de la région, en attendant qu’une place se libère. Les suivis individuels externes offerts par le Mitan aux victimes ont également des listes d’attente, soulève la directrice générale.

Même chose du côté des deux Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de la région, où des listes d’attente sont en place, témoigne Sophie Gilbert.

Des centres de femmes « débordés »

Non seulement les places manquent, mais les cas sont de plus en plus lourds et complexes. Au Centre de femmes les Unes et les Autres, à Saint-Jérôme, les besoins s’intensifient, rapporte la coordonnatrice Marie-Anne Riopel. Il n’y a pas nécessairement de hausse du nombre d’usagères, mais il y a une augmentation de la détresse et de la précarité de celles-ci, observe-t-elle.

« Les services autour débordent dans la cour [de nos] centres présentement », déclare Marie-Lou Coursol, adjointe à la coordination du Centre Liber’Elles à Mirabel. Depuis les dernières années, les dossiers de violence conjugale et de DPJ sont les dossiers les plus fréquents des usagères du Centre Liber’Elles.

Selon elle, les listes d’attente pour consulter un psychologue, pour avoir un suivi individuel en violence conjugale ou pour avoir accès aux services de la DPJ contribuent à hausser la demande dans les centres de femmes.

« Ce sont beaucoup d’instances gouvernementales dont les services sont pleins, ce qui fait en sorte que ça déborde dans d’autres services qui, eux aussi, sont pleins. » C’est un cercle vicieux, insiste-t-elle. « On ne peut plus nécessairement prendre plus [de cas]. Donc, on réfère [les femmes] au 811, alors on retourne à la case départ », déplore Mme Coursol.

Les centres de femmes proposent des services d’intervention, la majorité des travailleuses étant formées en travail social ou en éducation spécialisée. Leur capacité d’action est toutefois limitée selon le cas. Les centres de femmes ne peuvent pas offrir de suivis en violence conjugale. Les intervenantes peuvent uniquement « dépister » ces situations et élaborer des scénarios de sécurité avec les femmes.

« On ne répond pas aux besoins physiques. On ne nourrit pas les femmes. On n’a pas un endroit où dormir », explique Mme Riopel. Les centres de femmes sont un endroit sécuritaire pour se déposer, discuter avec des intervenantes ou pour « s’informer, de se former, améliorer son estime de soi, apprendre à se connaître », nuance-t-elle.

Un « trou de service »

Selon la directrice générale du Mitan, il manque une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale dans la région. Les villes de Saint-Jérôme, Lachute, Sainte-Thérèse et Sainte-Agathe-des-Monts peuvent compter sur une telle maison, mais c’est encore la même histoire : elles sont toujours pleines, atteste Mme Lachaine.

La situation et les besoins ne correspondent pas toujours à la mission d’organismes existants, relève Sophie Gilbert du RFL. Par exemple, les femmes en situation d’itinérance ou celles ayant des problèmes de toxicomanie ont très peu de ressources et de refuge à leur disposition dans les Laurentides, juge-t-elle. « Il y a carrément un trou de service ! »

La crise du logement, facteur aggravant

Le RFL, le Centre les Unes et les Autres, le Centre Liber’Elles et le Mitan croient tous que le manque de logements abordables et de logements sociaux aggrave la situation déjà précaire de certaines femmes.

Le Mitan offre un hébergement sécuritaire d’urgence à court terme. Cependant, les séjours des femmes dans la maison d’hébergement sont plus longs qu’ils ne l’étaient auparavant. « Les femmes restent beaucoup plus longtemps avant qu’elles puissent se trouver [un endroit pour vivre] », rapporte la directrice générale du Mitan.

« Je pense aussi qu’il faut qu’il y ait une volonté politique par rapport au HLM et au logement, pour qu’il se passe quelque chose. Parce que c’est fou, les femmes n’arrivent pas à se trouver des endroits pour vivre », déplore Mme Lachaine.

Même son de cloche pour Mme Riopel du Centre les Unes et les Autres. « Les femmes sont de plus en plus pauvres et tout coûte de plus en plus cher. Il n’y a pas de calcul magique. Il n’y aura pas de miracle. Elles vont continuer de s’appauvrir puis leur qualité de vie va continuer à se dégrader s’il n’y a rien qui est fait. »

Léa Lemieux
Journaliste stagiaire