Le système devait, dans un premier temps, composer avec un manque à gagner de 56,9 millions de dollars, selon les exigences du gouvernement qui s’est ravisé un peu plus tard. Ce sont les réductions les plus importantes des dernières années dans les subventions gouvernementales aux établissements privés.
« J’ai été nommé à la direction générale de l’Externat en 2019. Il s’agit du premier épisode de la sorte depuis que j’occupe la fonction », affirme Jasun Taparauskas, directeur général de l’Externat Sacré-Cœur à Rosemère.
Seulement 29 des 56,9 millions de dollars refusés par Québec ont été réinjectés au secteur. Les écoles privées des Laurentides déplorent cette décision du gouvernement qui les contraint à faire des choix difficiles.
Si l’ensemble des établissements contactés a soumis une partie de la facture aux parents, augmentant ainsi les droits de scolarité, ils se gardent toutefois d’éliminer des programmes, cherchant à maintenir la qualité des services offerts. Hors de question, affirment les directeurs d’écoles, de couper dans les services aux élèves.
Il y a la décision, il y a aussi le timing
C’est tout le système qui est chamboulé par l’annonce de compressions du Ministère de l’Éducation du Québec. Pour Hugues Lagarde, directeur général de l’Académie Lafontaine à Saint-Jérôme, « ce qui a été difficile, c’est de l’apprendre à ce moment-ci de l’année, au mois de juillet […], quand les gens s’en vont en vacances, et là […] c’est de revoir nos façons de faire, parce que naturellement, il y a un manque à gagner ».
À l’Académie Sainte-Thérèse, c’est plus d’un million de dollars « qu’on devait récupérer. « Ça a été quand même des maux de tête », raconte le directeur général Martin Landry, précisant que les parents peuvent assumer, à une certaine mesure, les frais manquants au budget fonctionnel, « mais il y a des limites à ça aussi parce qu’il y a un plafonnement des frais de scolarité au privé », précise-t-il. Le responsable souligne, par ailleurs, l’incapacité de certains parents de débourser des frais supplémentaires.
De son côté, le directeur général de l’Externat Sacré-Cœur de Rosemère, Jasun Taparauskas, estime que, quant aux subventions gouvernementales, la stabilité et la prévisibilité sont des éléments essentiels dans la gestion d’un collège privé. Il en va du bon fonctionnement de leur mission éducative, soutient-il. « Donc ça, c’est nécessaire, c’est déterminant dans la manière d’administrer un établissement comme le nôtre ».
Des appréhensions
Le réinvestissement des 29 millions de dollars sur les 56,9 millions constitue un allègement pour l’année 2025-2026, croit Martin Landry. Selon lui, « implicitement, ce qui est indiqué, c’est que la pleine coupure serait applicable en 2026-2027 ». Il dit craindre les répercussions à moyen terme d’une telle décision. « Donc là, chez nous, ça représente un manque à gagner dans le financement ministériel de 10 %. Donc là, c’est sûr que là, ça change la donne ».
L’établissement se prépare à explorer toutes les avenues possibles pour composer avec la situation financière, telle la coupure dans les ressources humaines, ou encore la recherche de revenus supplémentaires par le biais d’activités externes ou d’autres initiatives génératrices de fonds.
« C’est sûr qu’il faut évaluer ça. On a l’année pour le faire. C’est ce qu’on va analyser pour essayer d’en refiler le moins possible aux parents. C’est notre objectif principal. »
Martin Landry, directeur général, Académie Sainte-Thérèse.
Jasun Taparauskas, directeur général de l’Externat Sacré-Cœur de Rosemère exprime, lui aussi, ses vives préoccupations quant à l’avenir ainsi qu’aux impacts que pourraient avoir ces coupes sur les établissements, et par la même occasion, sur les parents, à moyen terme.
« Pour nous, c’est préoccupant. Cette année, effectivement, on suit de près la situation, à savoir à quoi ressembleront les paramètres de subvention l’an prochain. Parce qu’on est bien conscients que nos parents ont une capacité de payer qui n’est pas illimitée ».
Des améliorations possibles
Selon Martin Landry qui explique avoir travaillé de nombreuses années dans le réseau public et occupé des fonctions de gestion au sein d’une commission scolaire, plusieurs améliorations seraient possibles. Il estime qu’il existe des possibilités d’agir différemment, basé sur son expérience dans les deux secteurs. « Le gouvernement peut mieux faire, je pense que comme dans toute organisation, il y a possibilité de réviser, de voir ce qu’on peut améliorer », estime le responsable.
Il souligne toutefois la complexité du système, notamment le fait que les conventions collectives se négocient à l’échelle provinciale. Les écoles privées doivent par la suite s’aligner sur les augmentations salariales accordées pour maintenir des conditions de travail équivalentes à celles du réseau public.
Le directeur reconnaît que la dernière convention collective a accordé des augmentations importantes et méritées, mais il note que ces hausses salariales influencent directement les coûts du système éducatif dans son ensemble. Les établissements doivent composer avec cette réalité financière, concède-t-il.
Les trois responsables s’engagent à optimiser les ressources disponibles, tout en préservant l’ensemble des services éducatifs.
Rappelons que les écoles privées reçoivent du gouvernement 60 % du montant des services éducatifs versé pour un élève régulier au public. En contrepartie, elles adhèrent aux programmes et exigences du ministère de l’Éducation.
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