logo journal infos-laurentides
icon journal
Il y a 25 ans… David battait Goliath

Il y a 25 ans… David battait Goliath

Publié le 17/09/2019

MATHIEU LOCAS

On s’était connus trois heures plus tôt dans un stationnement du parc industriel à Saint-Jérôme. Une fois arrivé au Colisée de Québec, il est débarqué de l’autobus en quasi-triomphe. Réjean Houle n’a pas mis de temps à l’accueillir, tandis que Mario Tremblay, alors chroniqueur à la radio, faisait un détour pour lui serrer la pince.

Michel Fuller revenait par la grande porte dans la famille de Molson. Trois ans auparavant, on lui avait indiqué la sortie lors de la fusion entre Molson et O’Keefe. On faisait rouler une tête dirigeante par région. À Saint-Jérôme, le grand patron de Molson, André Tranchemontagne, avait le choix entre deux Michel. Il avait préféré Métivier à Fuller.

Ce dernier a choisi de se battre devant les tribunaux. Il a obtenu gain de cause lors du premier round. Insatisfait du résultat, Molson amène la cause en appel. Fuller l’emporte encore.

Même si un deuxième AVC a affaibli sa mémoire au printemps, le grand gaillard à la barbe blanche se souvient du moment. «Je ne me souvenais pas que ça faisait 25 ans, mais je me souviens d’avoir été aigri. À ce moment, Réjean Houle était le porte-parole de Molson et défendait l’entreprise. Durant les démêlés en justice, on s’était croisés et le ton avait monté. Mais quand j’ai regagné mon poste, il avait été le premier à m’appeler pour me féliciter.»

Ce rendez-vous de septembre 1994 à Québec était un classique annuel. Une année, les Canadiens accueillaient les journalistes des médias régionaux au Forum pour une journée de camp d’entraînement. L’année suivante, les Nordiques faisaient de même au Colisée. Des journées bien remplies, où la bière coulait à flots et les repas n’en finissaient plus de finir. Sans oublier une confrontation Canadiens-Nordiques en soirée.

Le retour de Michel Fuller chez Molson a duré un peu plus de trois ans. Après un périple de 31 ans, lui et Molson ont jugé que leur association arrivait à la croisée des chemins. Un départ différent du premier puisque, cette fois, il avait fait l’objet d’une gigantesque fête à l’entrepôt de Molson de Saint-Jérôme. «C’est là qu’on a pu voir tous les talents d’organisateur de Gaétan Lapointe», se rappelle l’homme de 77 ans. Des centaines de personnes y étaient, dont quelques bonzes de Molson.

Journaliste sportif à l’époque, j’ai croisé Michel à des dizaines de reprises lors d’événements publics. J’ai toujours apprécié l’homme. Il avait le don de dédramatiser les situations autour d’une bonne bière… et parfois plus qu’une.

 

Les années 90 ont été synonymes de rationalisation dans les entreprises. L’arrivée de l’informatique a permis aux gestionnaires d’avoir accès à leurs ventes en un seul clic. Les objectifs passaient donc d’annuels et trimestriels, à mensuels, hebdomadaires et même quotidiens.

Michel, lui, était encore de la vieille école. Un de ses vendeurs traversait un passage à vide, il ne sortait pas tableaux et graphiques. Il le faisait venir au bureau, débouchait une petite «Mol» et réglait le problème. Même chose pour ses clients. Le département de la comptabilité de Molson appuyait sur le «bouton panique» face à un mauvais payeur, Michel calmait ses patrons et se rendait chez le client pour trouver une solution. Vieille façon de faire? Peut-être! Mais ça marchait. Année après année, Molson écrasait Labatt dans les Laurentides, ce qui n’était pas le cas dans toutes les régions du Québec.

Du temps où il était chez Molson, son agenda était rempli de tournois et de rondes de golf entre mai et septembre. Maintenant, Michel doit se contenter de le regarder à la télé. Son AVC de mai dernier a laissé des traces. Les déplacements sont lourds et pénibles. Si vous le croisez, rassurez-vous; il n’a pas perdu son rire légendaire et ses opinions tranchées.

Longue vie mon Michel, heureux d’avoir jasé le temps d’un déjeuner…

 

Je demeure disponible à mathieu.locas@hotmail.com.