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Quand toute la famille ne sait pas lire ni écrire

Annik est présente dans un groupe d’alphabétisation depuis 17 ans. « C’est ma deuxième famille ».

Quand toute la famille ne sait pas lire ni écrire

Publié le 17/02/2023

Elle est aidante naturelle pour sa mère malade. Elle est grand-mère d’un tout petit bébé. Elle est mère d’un grand garçon de 23 ans. Et elle est analphabète depuis 46 ans.

Son nom est Annik. Une femme en premier avec de belles qualités et d’une grande générosité, une douce sensibilité et d’une détermination exemplaire. Ensuite, elle est une personne qui ne sait ni lire, ni écrire, très peu.

Le peu, elle l’a appris avec combativité et assiduité. Depuis 17 ans, elle est fidèle au poste, quatre jours par semaine, à la Maison des mots des Basses-Laurentides.

« C’est ma deuxième famille, ici. Mes amis sont ici. Ensemble, nous apprenons tout en s’amusant », lance Annik, si aimable.

Sa première famille, lui prend aussi beaucoup de temps. C’est elle qui est le « professeure » pour toute la famille. Son fils de 23 ans ne sait ni lire, ni écrire. Sa bru non plus. Sa mère est aussi du nombre des personnes analphabètes au Québec.

« C’est moi qui va montrer à ma petite-fille à lire et à écrire lorsqu’elle sera en âge d’apprendre. Je le montre déjà à mon fils et sa blonde », dit avec fierté, Annik, en mesure d’écrire de petites phrases simples, sans plus.

Son autre grande fierté qu’elle raconte avec un large sourire dissimulé derrière un masque bleu pour prévenir la contamination de la COVID19 : « Je conduis ma voiture. J’ai mon permis. Je suis fonctionnelle », ajoute-t-elle les yeux brillants.

Annik n’est pas seule. Loin de là. Le phénomène de l’analphabétisme au Québec est alarmant. Un million de québécois ne peuvent pas lire ce texte. Vous avez bien lu. Chanceux.

De ateliers gratuits

Heureusement pour les illettrés, il y a la Maison des mots à Sainte-Thérèse, mais encore plus choyés, il y a Ilham Gaudreau, la coordonnatrice, et une équipe de travail dévouée.

« Souvent les personnes peu alphabétisées pensent que c’est eux le problème alors qu’en réalité c’est des personnes dont les besoins n’ont pas été répondus à l’âge scolaire et ce qui déplorable malheureusement, car ça affecte non seulement leur estime de soi, mais les pousse à vivre un sentiment de honte et d’exclusion. Par ailleurs, nous avons plein de bels exemples où certains sont passés ici avant de se trouver un emploi dans lequel l’écriture et la lecture sont importantes. Pour d’autres, La Maison des mots devient un milieu de vie où ils participent, s’informent et donnent leurs opinions. Pour les uns et les autres, c’est une question de reprendre confiance en soi, en premier ».

Depuis 1996, la Maison des mots, reconnue par le ministère de l’Éducation, est un groupe d’alphabétisation qui offre des ateliers gratuits de lecture, d’écriture, de calcul et de cuisine collective. Pas plus de 7-8 participants à la fois, question de donner une véritable chance d’apprendre.

C’est que les participants sont invités à s’exprimer et à échanger sur leurs préoccupations et leur vécu dans des approches utilisées, colorées, dynamiques qu’elles soient phonétiques, globales ou conscientisantes.

Dans un milieu non scolaire avec une ambiance chaleureuse et d’entraide, sans compétition, ni jugement, l’organisme à but non lucratif, dispose de formations le jour, le soir et même pour un horaire adapté à des travailleurs qui souhaitent ou doivent améliorer leur niveau de littératie pour conserver leur emploi ou pour leur donner le droit de rêver d’une promotion.