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Saint-Jérôme: le privé au public

Stéphane Maher.
Photo Claude Cormier

Saint-Jérôme: le privé au public

Publié le 29/10/2019

MATHIEU LOCAS

Si vous vous rendez à la fin de ce texte, vous serez plusieurs à me «tirer des roches». C’est correct, je vis avec ça. Les plus choqués vont dire que je haïs les fonctionnaires. Faux, je couche avec une depuis près de deux décennies. À l’inverse, certains entrepreneurs ou gestionnaires d’entreprises privées seraient susceptibles de me faire un «high five» s’ils me croisent en train de manger un club sandwich sur une banquette rouge, au comptoir, chez Johnny. En préambule, j’avoue travailler dans le secteur privé depuis plus de 25 ans. Ma conjointe est fonctionnaire fédérale depuis près de 30 ans. Voici le genre de conversation susceptible de survenir un vendredi soir devant une bouteille de vin.
Mathieu: «Encore des coupures. Le boss doit trouver 50 000 $ à l’interne et il n’est pas impossible que certains collègues perdent des heures de travail.»
Conjointe: «J’ai 50 000 $ à dépenser d’ici la fin de l’année fiscale pour acheter du mobilier à mes employés, sinon je perds l’argent et notre budget mobilier sera amputé de 50 000 $ l’an prochain».
Deux réalités diamétralement opposées. Comme les élus passent et les fonctionnaires restent, il n’est pas rare au Québec que les fonctionnaires prennent le contrôle des villes. Ce n’est pas dans leur ADN de penser aux impacts de leurs décisions sur la poche des contribuables. Tournés vers les nouveaux projets, le coût n’est pas leur première priorité. De leur côté, les gestionnaires d’entreprises privées connaissent cette faille des administrations municipales.
En soumissionnant sur un appel d’offres public, ils n’aiguisent pas toujours leur crayon très pointu. Et s’ils doivent le faire, il sera possible d’avoir accès à la cagnotte «dépassements de coûts». La Commission Charbonneau a présenté plusieurs exemples de cette situation.
Depuis l’arrivée au pouvoir de l’équipe de Stéphane Maher, la mentalité a changé à l’hôtel de ville. C’est comme si le privé avait pris d’assaut la machine publique. Les gestionnaires ont appris à gérer et user de créativité budgétaire. Fini les augmentations de budget de 5 % à 10 %, sans questionnement des élus. Pour certains, c’est un choc. Ils ne sont pas habitués à se faire brasser la cabane. Certains employés se sont fait dire quelque chose du genre: «Tu es payé 80 000 $ pour 32,5 heures par semaine. Donne-m’en pour 80 000 $».
À l’arrivée au pouvoir de Vision Saint-Jérôme, en 2013, des gestionnaires se sont fait montrer la porte. Depuis ce temps, même des nouveaux embauchés ont déjà levé les pattes, et parfois par eux-mêmes. Depuis quelque temps, Saint-Jérôme se retrouve dans une sorte de carrefour. La machine interne commence à chauffer. Avec la situation du plein emploi, il n’est pas rare de voir un deuxième et même un troisième affichage de poste. Que faire pour continuer à maintenir un taux de taxe bas et offrir les services? Je vais laisser cette décision aux élus, car je ne fais que constater la situation.
Pour ceux qui doutent que la mentalité entre le public et le privé est différente. Prenez un travailleur du privé et un fonctionnaire, les deux en fin de carrière, et changez-les de camp. Il y a de très fortes chances que le travailleur du privé ait plus de facilité à s’adapter. Quand tu es habitué à te faire dire toute ta carrière de couper et que, pendant tes dernières années sur le marché du travail, tu n’entends plus cette ritournelle, tu risques d’être moins tendu. Par contre, un ex-fonctionnaire pourrait avoir de la difficulté à se familiariser avec le verbe «couper».
Un jour Stéphane Maher et son groupe vont partir (je vais y revenir la semaine prochaine sur l’avenir du maire). À ce moment, il sera alors intéressant de voir la dynamique entre la politique et l’administratif.
Je demeure disponible à mathieu.locas@hotmail.com.