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Le cancer de Carole

Le cancer de Carole

Publié le 29/04/2020

MATHIEU LOCAS

Dans l’album des finissants de 1989 de la Polyvalente St-Jérôme, Carole Giroux se définissait comme une personne audacieuse et déterminée. Son patois était «Let’s go». Elle voulait devenir avocate et avouait qu’elle aime souvent avoir raison.

Cette détermination anticipée ne semble pas être suffisante 31 ans plus tard. Le 5 mars dernier, cette directrice des ressources humaines d’un grand cabinet d’avocats de Montréal a reçu un verdict de cancer, appelé carcinome canalaire infiltrant triple négatif. Sa bébite est rendue au stade 3. Quand elle a reçu le diagnostic, son médecin lui a presque dit qu’elle aurait dû se faire opérer hier tellement ça pressait.

Une semaine plus tard, François Legault annonçait qu’il était désormais interdit de faire des rassemblements de plus de 250 personnes. Plus les jours avançaient, plus la notion de confinement était resserrée. C’était la course contre la montre dans le système de la santé pour libérer 6000 lits en vue d’une hécatombe comme c’était le cas en Italie.

Six semaines plus tard (au moment d’écrire ces lignes), la Jérômienne de 47 ans demeure sur les lignes de côté. Même si la ministre de la Santé Danielle McCann répète que les chirurgies prioritaires ne sont pas annulées, Carole Giroux continue à faire comme le linge sur la corde. Son téléphone a sonné à deux reprises en mars. Les deux fois, c’était pour annuler sa chirurgie.  Le 25 mars dernier, elle a pété sa coche sur Facebook.

J’ai des souvenirs d’avoir été dans la même classe que Carole au secondaire, même si nous ne faisions pas partie du même cercle d’amis. Par contre, je n’ai aucun souvenir de ses publications sur Facebook.  Celle-là, impossible de la manquer. Pour une personne qui compte à peine 440 amis (sur Facebook), elle a eu près de 600 commentaires et pas moins de 3800 partages. Elle écrivait : … moi je ne l’ai jamais laissé tomber le système… j’ai toujours depuis que j’ai 16 ans, payé mes impôts pis j’ai toujours tout fait pour rester en santé, pis je n’ai jamais utilisé le système…mais le système, lui, me laissera tomber.

Après ce brassage de pommier, elle était réintégrée dans le système. L’espoir était maintenant fixé au 1eravril. C’est la veille à 15h09 que Carole a reçu le deuxième coup de téléphone du mois qui la reléguait à la case départ. Je ne veux jeter le blâme sur personne, je crie à l’aide pour nous tous les délaissés du cancer afin qu’on nous trouve à nous aussi un plan d’ACTION, pour nous une DATE, c’est notre RAISON de continuer à vivre, écrivait-elle, le 1eravril.

Carole Giroux ne regarde plus les points de presse quotidiens du gouvernement Legault, un peu tannée d’entendre les mêmes chansons alors que son dossier stagne. Sa dernière intervention sur Facebook remonte au 16 avril. La veille, d’autres masses ont été trouvées sur son sein. Pour le moment, elle reçoit des traitements de chimiothérapie, à défaut d’avoir une opération.

Le Journal de Montréal a récemment publié l’organigramme du ministère de la Santé. Un gros paquebot, très bureaucratique et difficile à faire tourner alors que nous sommes dans une période où nous aurions besoin des embarcations dignes des Régates de Valleyfield pour manœuvrer en évitant les vagues. Les acteurs sur le terrain font un travail incroyable, voire surhumain dans certains cas.

Mais l’écart entre la ministre de la Santé et le personnel est trop imposant. En communication quotidienne avec les acteurs en santé, François Legault se rend compte des nombreux cerceaux qu’il doit sauter pour avoir la réponse à des questions pourtant simples.

Quand cette pandémie sera derrière nous, il y aura certes du positif à retenir. En espérant que le détartrage du ministère de la Santé en fasse partie.

Entretemps, si quelqu’un a suffisamment de poids dans la machine pour faire opérer Carole Giroux, ne vous gênez pas pour lever la main…

Je demeure disponible à mathieu.locas@hotmail.com