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Fusion des sens — Vivre la danse malgré les trous noirs

Photo Christophe Godon — Des privilégiés pouvaient s’installer dans les îles tactiles au milieu de la scène tandis que les autres restaient sur des chaises en retrait.

Fusion des sens — Vivre la danse malgré les trous noirs

Publié le 19/09/2025

Il y a de ces spectacles qui transforment les perceptions.

Merging a été conçu de façon à offrir une expérience de la danse aux « sens qui restent » à ceux qui ont des trous noirs plein la vue. Sa première médiatique était présentée le 10 septembre dernier au Théâtre Gilles-Vigneault de Saint-Jérôme.

Le spectacle immersif qui fusionne la danse, la poésie, la musique et le théâtre, se déroulant avec le public sur la scène, ne pouvait accueillir qu’une quarantaine de curieux, dont dix pouvaient le vivre au cœur du jeu des artistes. Deux représentations le 11 septembre ont été offertes à l’Association des personnes handicapées visuelles et aveugles des Laurentides (APHVAL).

« Dans un spectacle traditionnel de danse, c’est beaucoup pour les yeux. Puisque je travaille avec des personnes en situation de handicap, l’accessibilité est devenue un élément que j’intègre à ma démarche artistique », partage la créatrice originaire des Laurentides Laurie-Anne Langis. Elle, qui habite la scène de tout son corps orné d’accessoires bruyants, échange des mots et des sons avec Rafaelle Mackay et Olivier Landry-Gagnon qui se partagent la conception sonore envoûtante et rythmée.

Un cercle d’une dizaine d’« îles tactiles » au centre de la salle ainsi qu’une rangée de chaises sur trois côtés attendent les spectateurs qui doivent se déchausser avant d’entrer. Des courants d’air, des mouvements sonores, des diffuseurs d’huiles essentielles bercent le spectateur malgré les perturbations du corps et la poésie jouant avec les codes de l’audiodescription.

Le jeu entre le dispositif technologique et les corps sonores en mouvement, tel que la voix, le bol tibétain ou le tambour, enveloppe les spectateurs, surtout ceux sur les îles puisque les interprètes se déplacent devant et derrière eux. Le spectacle commence d’ailleurs dans le noir total où des brosses sont frottées sur le plancher pour imiter le son des vagues. De rares éclairages ne permettent pas toujours d’apercevoir les mouvements des interprètes. Ce n’est pas si grave. L’univers sonore et poétique dans lequel nous plongent les créateurs avec leurs machines, leurs instruments et leur corps suffit.

« Merging incarne parfaitement notre volonté de présenter des œuvres qui repoussent les frontières de la danse et qui s’ouvrent à tous les publics. Offrir un espace où spectateurs voyants et non-voyants peuvent partager la même expérience, voilà toute la force de ce spectacle » déclare Frédéric Lapierre, le nouveau responsable de la danse au Théâtre Gilles-Vigneault.

Le directeur général du théâtre, Guy Chevier, abonde dans le même sens : « Le Théâtre Gilles-Vigneault a toujours eu à cœur d’offrir des expériences artistiques diversifiées et accessibles. En présentant Merging, nous franchissons une étape supplémentaire en mettant de l’avant une œuvre qui place l’inclusion et le partage au centre de l’expérience scénique. Merging reflète cette volonté : créer des expériences où chacun, peu importe sa réalité, peut découvrir la puissance des arts vivants. »

L’équipe de création se déplace à Montréal les 20 et 23 septembre à la maison de la culture Janine Sutto près de la station Frontenac tout en espérant pouvoir le présenter à nouveau par la suite. Une campagne de sociofinancement est d’ailleurs en cours jusqu’au 1er octobre pour aider à la diffusion de ce rituel poétique méditatif et étonnant.