Gilles Laporte admet que l’histoire des patriotes est tissée de mythes, toutefois, mythe n’égale pas mensonge, précise-t-il. « Si l’on s’en tient à une définition scrupuleuse des mythes et des vérités, nous perdons des pages glorieuses de notre histoire. Comme quand le Dr. Jean-Olivier Chénier dit “On n’a pas assez de fusils, il y aura des morts, vous prendrez ceux des morts”. Ce n’est malheureusement pas corroboré, mais c’est trop beau pour ne pas qu’on le répète ».
Décrite par le passé comme le berceau de la démocratie, la révolte des patriotes, et plus spécifiquement ses premiers soubresauts à Deux-Montagnes, n’appartiennent pas qu’aux limites administratives que nous connaissons aujourd’hui. Notons que le comté de Deux-Montagnes de l’époque s’étendait beaucoup plus loin, touchant certaines villes et territoires appartenant désormais à la MRC Rivière-du-Nord. Laporte s’exprime sur cet aspect déterminant des soulèvements de 1837-38: « C’est vraiment dans Deux-Montagnes qu’on a organisé les premières assemblées citoyennes. Visant non seulement à se plaindre, mais à nommer les représentants du peuple. C’est un des moments les plus lumineux de l’histoire du Québec, et ces gens-là, nommés par le peuple à partir du mois d’octobre/novembre [1837], ont commencé à occuper les charges civiles dans le comté de Deux-Montagnes. Ce qui est tout à fait remarquable et complètement unique. »
L’église, un symbole déchiré
Malgré la ferveur démocratique de l’époque, la situation bouge rapidement à Saint-Eustache et l’Église devient vite un symbole déchiré. Surtout dans les instants précédant la bataille. Les troupes sont continuellement sur le qui-vive et attendent l’armée britannique à tout moment, raconte Gilles Laporte : « Il faut saisir l’ambiance dans ce campement armé où aucune information digne de foi ne pouvait parvenir. Chénier décide de se barricader dans Saint-Eustache, il comprend que la rébellion ne marche pas très bien. » Il mourra d’ailleurs de façon héroïque peu de temps après.
Au-delà de la bataille et l’incendie de l’Église, ce qui illustre peut-être le mieux cette déchirure cléricale, c’est la dualité historique entre le Curé Paquin de Saint-Eustache et Étienne Chartier, curé de Saint-Benoit. « Les curés de Saint-Eustache et Saint-Benoît sont l’alpha et l’oméga, il n’y a pas de doute. Paquin est un antipatriote fanatique allié au camp seigneurial comme la plupart des curés. Il écrit même un journal historique, qui est essentiellement une charge contre Chénier et les patriotes. Il est tellement agité en fait, que la première chose que Chénier fait en prenant Saint-Eustache est de l’enfermer à double tour. Il ne sera pas libéré avant la bataille du 14 décembre. De son côté, Étienne Chartier est un pro patriote inouï. Il arrive à Saint-Benoît et c’est la rencontre du siècle, entre un curé révolutionnaire et le bastion le plus patriote du Bas-Canada. Le curé entreprend même durant l’été 1837 d’expliquer lors de ses sermons, les 92 résolutions des patriotes. »
La répression dans le comté de Deux-Montagnes après la victoire britannique fut particulièrement brutale. En 1849, une commission fut même créée pour dédommager les victimes collatérales des rébellions et parmi ces demandes d’indemnisation, 55 % provenaient du comté de Deux-Montagnes. Les villages de Saint-Hermas, Saint-Canut et Saint-Benoît sont les plus durement touchés.
Les Patriotes dans la modernité
Alors que nous célébrons la Journée nationale des Patriotes depuis 22 ans maintenant, quel héritage nous laissent-ils ? Comme le souligne Gilles Laporte, les idéaux défendus par les Patriotes en 1837 demeurent toujours d’actualité. Ils portaient dans leur lutte l’abolition de la peine de mort, l’égalité des droits pour tous les citoyens et la démocratie parlementaire, des sujets qui résonnent encore aujourd’hui selon l’historien.
Cependant, Laporte exprime également des préoccupations quant au risque de voir les Patriotes oubliés. Il relativise : « La cause des patriotes n’a pas toujours été aussi présente, elle a surgi à partir des années 1960. Je prévois un déclin de l’intérêt pour les patriotes, et avec eux, un déclin pour la lutte nationale, politique parlementaire. Les patriotes sont d’abord et avant tout de grands parlementaires, ils se sont battus pour les institutions politiques. Ce sont des combats qui ont fait la force du Québec dans les années 60 jusqu’en 2015, mais qui aujourd’hui n’intéressent plus beaucoup la jeunesse. Aujourd’hui il n’y a plus beaucoup d’appétit pour les luttes parlementaires, pour les droits collectifs. »
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Saint-Hippolyte