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50 ans d’arbitrage au hockey…le sifflet encore à la main

Publié le 19/10/2022

Après des millions de coups de patin, des centaines de milliers de coups de sifflet et des milliers d’insultes gratuites, Michel Bourgoin est toujours un arbitre au hockey…50 ans plus tard.

Après une intéressante carrière de joueur de hockey junior à Montréal-Nord et collégial au Cégep Saint-Laurent, Michel troque son bâton de hockey pour un sifflet en 1972.

« J’étais enseignant en éducation physique au séminaire Saint-Michel à Rouyn-Noranda lorsque mon collègue, Paul-Émile Neveu, m’a initié à l’arbitrage », se souvient l’homme de 73 printemps, bien sonnés.

Michel alors âgé de 23 ans découvre une passion, pas la plus gratifiante. « J’arbitrais du hockey de gros calibre et j’étais souvent en charge. Je ne faisais pas ça pour l’argent, car on gagnait 5$ la partie, peu importe le calibre », raconte-t-il voyant les années passées défiler dans sa mémoire.

Non seulement, ce n’était pas payant, mais c’était rock-n-roll « Les gens à Malartic étaient complètement fous. Ils n’aimaient vraiment pas les arbitres, ça nous garochait des cafés chauds, des mégots de cigarettes ou tous les objets qu’ils avaient sous la main. Nous étions escortés par la police après chaque rencontre, même si l’équipe locale gagnait », illustre-t-il encore marqué par ces comportements déplacés.  

En moyenne 150 matchs par année 

Après trois ans loin de sa famille, il quitte l’Abitibi. Il accepte un poste de directeur des loisirs dans la petite localité de l’Ascension, dans les Laurentides. 

« J’arbitrais sur une patinoire extérieure, une quinzaine de matchs par année, puisque la saison était courte n’ayant pas d’aréna à cette époque ».

Arbitrer dehors au gros froid réserve de douloureuse surprise, Michel en sait quelque chose. « Je me souviens d’un programme double que j’avais arbitré -35 degrés Celsius. Comment oublier. Quand j’étais arrivé chez-moi, ma femme m’avait monté à l’hôpital tellement j’avais le pied bleu. Je suis passé près d’une amputation des orteilles », livre celui qui a célébré son 5000e match en 2017.   

Des pieds endoloris trop longtemps dans un patin, non confortable, Michel a connu ça également. « En 1989, avec l’ouverture de l’aréna à l’Ascension, j’étais sur glace pour environ 150 parties de hockey par année. Dès 45 arbitres inscrits au cours de formation en début de saison, nous avions terminé l’année à seulement huit arbitres », lance-t-il sans compter tous les matchs de ballon-balaie qu’il arbitrait en plus, jadis un sport fort populaire.

L’été, c’était le gros plastron, les jambières et le masque pour se retrouver derrière un marbre. Plus de 25 ans d’arbitrage à la balle, dont un Championnat canadien de balle rapide en 1981.  

Maurice Richard comme coéquipier

En 50 ans de carrière, un demi-siècle, dans un métier aussi controversé que l’arbitrage au hockey, Michel Bourgoin pourrait écrire un livre, uniquement avec ses anecdotes. Il préfère oublier rapidement les innombrables fois où il s’est fait enguirlander de « gros jambon, pourri, d’aveugle qui a besoin de lunette », pour garder en mémoire que les bons souvenirs, comme son plus marquant : « À l’inauguration de l’aréna de l’Ascension, les anciens Canadiens de Montréal étaient venus jouer un match amical et l’arbitre Maurice Richard m’avait demandé d’officialiser le match avec lui. Quel beau moment ».

Aujourd’hui, celui qui est surnommé par les autres arbitres de Saint-Jérôme, Pépé, a diminué le rythme, éliminant sur son chemin les ligues d’adultes trop intenses et les catégories trop compétitives du hockey double lettre. « Je m’amuse avec les petits boutchous et quand je donne une punition, je prends le temps d’expliquer au jeune le pourquoi ».

Une philosophie que le grand sage transpose avec ses jeunes arbitres. « Je leur dit tout de suite que s’ils sont venus ici pour l’argent, ils ne resteront pas. Il faut aimer ça ».

C’est justement parce qu’il aime ça encore aujourd’hui que Michel Bourgoin endosse son chandail zébré, semaine après semaine. « Mon corps et mes jambes me disent d’arrêter, mais mon cœur et ma tête me disent de continuer. Je resterai tant et aussi longtemps que la santé me le permettra », affirme le septuagénaire, visiblement « top shape ».

Les parents doivent se calmer les pompons

Retraité du pénitencier fédéral de La Macaza depuis 2011, Michel Bourgoin garde la forme sur la patinoire. « Quand j’étais seul sur la glace en charge, je patinais l’équivalent de 10 km par match. Si on est deux arbitres, ce sont environ 5 km qui sont parcourus durant un match », a calculé celui qui pratique aussi le ski alpin, les quilles et le golf.

Finalement, ce père de deux grands enfants et grand-père de quatre petits-enfants, profite de son statut de doyen pour s’adresser aux parents. « Il y a eu plusieurs matchs d’annulés l’an passé à Saint-Jérôme, comme partout ailleurs au Québec, faute d’arbitre. Les entraîneurs nous disent merci d’être là cette année avant chaque rencontre, les parents ne sont pas obligés de nous remercier, mais qu’ils respectent les arbitres, surtout les jeunes si on veut que la relève demeure. On doit valoriser la profession. Pas d’arbitre, pas de match, les parents doivent garder ça en mémoire avant d’engueuler un jeune qui commence », a-t-il conclu sur un air aussi sympathique qu’au début de l’entrevue, précisant avoir inscrit tous ses matchs dans un calpin au départ pour ensuite les transposer dans un ordinateur.

Souriant de nature, Michel Bourgoin perd toutefois son sourire communicateur et sa bonne humeur, le temps de déplorer une situation qui manque carrément d’humanité. Il ne cache pas sa déception, celle que Hockey Québec n’a rien fait pour souligner sa longévité dans ce métier ingrat. « Je sais, nous sommes que des numéros en région, mais j’aurais aimé ça une petite reconnaissance ». La beauté de la chose est que les dirigeants d’Hockey Québec, ceux qui reçoivent les accréditations des arbitres au montant de 150$ par saison, peuvent se reprendre, l’année ne fait que débuter. 

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