Bien que les deux élus conviennent que ces tarifs ne tiennent pas la route, ils admettent ne pas être surpris, considérant la personnalité imprévisible du président américain.
Pour Rhéal Fortin, les tarifs imposés par Donald Trump « n’ont aucun bon sens ». Bien que Mark Carney, premier ministre du Canada, ait discuté avec Trump dans le respect, cela n’a pas empêché l’imposition de ces mesures. « On vit dans l’incertitude depuis l’annonce des tarifs douaniers, puisque Donald Trump change d’idée à peu près toutes les demi-heures », dit-il. Il s’interroge : « Même si les tarifs ont été déposés, y aura-t-il d’autres changements en cours de route ? Pendant combien de temps seront-ils imposés ? Il y a toutes sortes de questions. »
Il s’inquiète particulièrement pour le Québec. « On doit être aux aguets, il va de soi. Avec l’aluminium qui est taxé, qu’on appréhende des pertes d’emplois ici au Québec. Il y a toutes sortes d’enjeux qui sont plus criants ici qu’ailleurs au Canada. Je ne veux pas avoir l’air de tirer à couvert de mon bord. On n’est pas meilleurs que les Canadiens d’Alberta, de Vancouver ou d’ailleurs, mais on a une réalité différente. »
Il poursuit : « Ce n’est pas le pétrole, le bœuf de l’Ouest ou l’automobile de l’Ontario. Ce ne sont pas non plus les sièges sociaux des banques de Toronto ou les pêcheries des Maritimes. Le Québec a ses propres priorités, et il faut qu’elles soient défendues par celui ou celle qui négociera pour nous. Si c’est Mark Carney, il devra travailler en fonction de ce que le Bloc Québécois demande pour le Québec. »
Des subventions salariales pour éviter le pire
Face aux pertes d’emplois anticipées, le Bloc réclame des subventions salariales, à l’image de ce qui a été fait pendant la pandémie. « Il y a beaucoup de gens qui vont perdre leur emploi, et des entreprises vont devoir fermer ou suspendre leurs activités », affirme M. Fortin.
Selon lui, même si la situation est temporaire, elle peut avoir des effets durables : « Une entreprise qui met à pied 100 employés, dont plusieurs ont 15 ou 20 ans d’expérience, perd son expertise. Ces gens-là vont se replacer ailleurs. Et quand l’entreprise voudra redémarrer, rien ne garantit qu’ils seront disponibles. »
Il propose donc des subventions ciblées : « Pas pour que les actionnaires se mettent de l’argent dans les poches, mais pour couvrir les salaires, à la condition que les employés soient gardés en poste. » Pour M. Fortin, il faut absolument agir. « On ne peut pas laisser les choses aller comme ça. On va en payer le prix. »
Et de conclure : « Si on ne prend pas la parole, on ne peut pas se plaindre que notre point de vue n’est pas entendu. C’est notre filet social, notre façon de vivre, nos mesures de soutien aux entreprises qui sont en jeu. »
Youri Chassin : entre réalisme et résilience
Youri Chassin, de son côté, s’interroge aussi sur la durée de ces tarifs. « Évidemment, comme il n’y a pas vraiment de logique derrière tout ça, on se retrouve à ne pas pouvoir les empêcher », dit-il. Selon lui, l’hypothèse la plus plausible est que Trump veut « faire une passe de cash » après avoir promis d’énormes baisses d’impôt. « Il ne faut pas chercher une justification logique, cohérente ou saine d’esprit. »
Pour les entreprises de Saint-Jérôme et des Laurentides, cela signifie une nécessité de s’adapter. « L’économie, c’est aussi ça : des marchés qui changent, des règles qui bougent, des gouvernements imprévisibles. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est une conséquence directe de l’incertitude dans laquelle se trouve le Canada. »

Youri Chassin croit que Trump « veut faire une passe de cash » après avoir promis d’énormes baisses d’impôt.
Des mesures d’aide, mais pas de carapace
M. Chassin rappelle que des fonds ont été réservés dans le dernier budget pour soutenir les entreprises. Des annonces sont à venir de la part du ministère de l’Économie, notamment pour aider celles qui manquent de liquidités temporairement.
« Le gouvernement est là pour ça, et ce n’est pas une mauvaise chose », reconnaît-il. Mais il nuance : « Si on veut encourager les entreprises à être résilientes, ce n’est pas en les protégeant à outrance qu’on va les rendre plus prudentes, plus agiles. Le danger des subventions, c’est qu’on affaiblit parfois en voulant protéger. »
Miser sur les liens avec les Américains, pas avec Trump
Selon lui, il ne faut pas tomber dans l’escalade. « Il n’y a pas tant de gens aux États-Unis qui nous détestent. Peut-être quatre personnes en poste élevé qui pensent que le Canada abuse. Mais ce n’est pas vrai. On répond à des besoins qu’ils ont. »
Il croit qu’il faut renforcer les échanges, non pas avec Trump, mais avec les Américains. « Ce sont eux qui peuvent faire pression. Les impacts sont économiques, mais le problème est politique. On ne leur fera jamais aussi mal qu’eux peuvent nous faire mal. »
M. Chassin va jusqu’à citer Gandhi : « Il n’aurait jamais gagné l’indépendance de l’Inde par les armes. » Il ajoute : « On ne gagnera pas par les conflits commerciaux. Les contre-tarifs ne servent à rien. Il faut être plus intelligents, tendre la main, rallier les Américains et isoler Trump. C’est ainsi qu’il perdra son pouvoir. »
MOTS-CLÉS
Youri Chassin
Rivière-du-Nord
Rhéal Éloi Fortin
Guerre tarifaire
Tarifs douaniers
Donald Trump