Faciliter la poursuite des études en éducation spécialisée et en psychoéducation : une solution à la pénurie de main-d’œuvre? C’est l’idée qu’ont proposé deux enseignantes aux études supérieures des Laurentides, Vicky Lafantaisie et Janik Lacelle, lors Pôle à l’enseignement supérieur des Laurentides (PESLAU), présenté le 17 mai dernier au Campus de Saint-Jérôme de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).
« Il faut s’adapter. L’éducation doit s’adapter, parce que la vie a changé et les étudiants ont changé. Ce n’est plus la même réalité d’il y a 15 ou 20 ans, mais on dirait qu’on est resté en arrière », constate Janik Lacelle, enseignante en éducation spécialisée au Centre collégial de Mont-Laurier, affilié au Cégep de Saint-Jérôme (CSTJ).
Le besoin de changement, c’est un peu la conclusion première des résultats de ce travail de près de deux ans, impliquant près de deux ans de recherches et de consultations.
Peu de profils types
L’une des choses que les enseignantes déplorent avec le système actuel est qu’il est fait pour « l’étudiant typique ». Or, ce type d’étudiant se fait de plus en plus rare, notamment dans leurs deux programmes en question.
« Juste dans notre échantillon à nous, on a 56% de personnes au [CSTJ et à l’UQO] qui ont un diagnostic. On a un étudiant/étudiante sur cinq qui vit avec un enfant. Aussi, près de la moitié doivent travailler plus de 20 heures par semaine. Bref, très peu suivent le ‘parcours linéaire’ imaginé lorsque les programmes ont été mis en place », explique cette fois Vicky Lafantaisie, professeure en psychoéducation à l’UQO de Saint-Jérôme.
Charge de travail élevée
Pour le programme d’éducation spécialisée dans lequel Janik Lacelle enseigne, les normes du ministère d’enseignement supérieur indiquent qu’une formation de 275 heures doit être donnée au cours des six sessions, ce qui équivaut à « entre 43 et 48 avec les heures d’étude à la maison ».
« Mais c’est quand même 48 heures, nous on sait qu’ils travaillent 15-20 heures et il y en a qui travaillent 30-35 heures, car ils n’ont pas le choix. Quand tu combines ça, cela peut faire des semaines de 80 heures. Il y a vraiment une conscientisation à faire avec ça », explique Janik Lacelle, en spécifiant que les facteurs nommés plus haut peuvent encore plus compliquer la chose, en plus de pouvoir parfois créer des problèmes de santé mentale.
« Pour se priver de cette expertise? »
C’est en automne 2021 que le projet a vu le jour, alors que Vicky Lafantaisie fut inspirée par une étudiante.
« On n’a pas beaucoup de gens qui viennent de milieux plus difficiles […]. Quand elle est arrivée, qu’elle travaillait avec moi dans des projets et qu’elle arrivait dans des familles, c’était super intéressant ce qu’il se passait, car comme elle comprenait ce qu’elles vivaient, les familles se sentaient super bien écoutées, bien comprises. La collecte de données était donc plus juste, car les familles se livraient plus facilement et, elle, ce qu’elle produisait ensuite comme analyse, c’était aussi super intéressant, parce que c’était teinté autant de son expertise en psychoéducation, que de toutes ces expériences de vie à elle, ce qu’on appelle des connaissances expérientielles », raconte l’enseignante. Et je me suis dit, pourquoi on se prive de ce savoir-là? ».
En quête d’actions concrètes
Au final, tel qu’expliqué plus haut, c’est notamment par les difficultés offertes par le monde de l’éducation qui « prive » le système de ce savoir. Cela dit, les deux enseignantes, qui travaillent avec un comité actuellement dans un comité aussi composé quatre étudiantes, aimeraient terminer leur projet de recherche dans les prochains mois. Ce qui permettrait de le « mettre en place cet automne », avec des témoignages, des infographies et des outils variés s’adressant autant aux étudiants, enseignants et au ministère, afin que concrètement, un jour, le système change.
« C’est la révolution!, lance Vicky Lafantaisie à la blague. On est vraiment dans une compréhension globale, plutôt qu’individuelle. C’est une responsabilité collective, la santé mentale, la réussite, la poursuite des études. Avant, on était beaucoup dans un modèle où tout cela était la responsabilité de l’étudiant, mais là, on est en train de dire : ‘non, on a aussi des choses à faire de notre côté!’ », achève l’enseignante de psychoéducation, croyant que dans une vague où l’importante de la santé mentale est de plus en plus mise en valeur, jumelé à l’accroissement de la pénurie de main-d’œuvre, le ministère pourrait être plus ouvert à revoir ses méthodes.
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