Pensé depuis près de deux ans par la Corporation de développement communautaire (CDC), le projet repose sur une approche collective qui dépasse la simple distribution de denrées.
« Le but est de définir de bonnes pratiques et d’offrir des options équitables à tous, peu importe d’où l’on vient », explique Geneviève Chabot, directrice générale de la CDC. Le centre se veut un lieu de réflexion et d’action, où l’on cherche à redonner du pouvoir aux citoyens en répondant à leurs besoins de façon plus globale.
De son côté, Éliza Laroche, coordonnatrice du projet et agente de liaison et de développement pour la CDC de la Rivière-du-Nord, précise que le CAAMS vise à développer des alternatives complémentaires à l’aide alimentaire traditionnelle. « La distribution répond à une partie des besoins, mais pas à tous. L’objectif est d’aller plus loin », souligne-t-elle.
Pour Geneviève Chabot, la force du projet réside dans sa dimension collective. « Collectivement, on peut arriver à des résultats plus forts qu’individuellement », résume-t-elle.
Une aide alimentaire déployée en urgence
L’aide alimentaire a été intégrée au projet à la suite de la fermeture de deux grandes banques alimentaires de Saint-Jérôme. Cette décision visait à éviter que des centaines de familles se retrouvent sans soutien.
Dans la MRC de La Rivière-du-Nord, les besoins sont criants. Selon le CISSS des Laurentides, 26 % des locataires consacrent plus de 30 % de leur revenu au logement, et une proportion importante d’aînés vit sous le seuil du faible revenu. Ces réalités accentuent l’insécurité alimentaire, qui touche déjà près d’un ménage sur six au Canada.
Aujourd’hui, le centre dessert entre 600 et 700 ménages inscrits ; considérant qu’un ménage peut contenir deux personnes et un autre dix personnes, soit des centaines de familles aux réalités diverses. Chaque situation est évaluée individuellement afin d’adapter l’aide offerte. Les intervenants présents sur place détectent aussi les besoins psychosociaux et orientent les personnes vers les ressources appropriées.
« La personne derrière son aide alimentaire peut avoir plein d’autres besoins » — Éliza Laroche.
Un milieu de vie ouvert et inclusif
Au-delà de la distribution, le centre veut devenir un milieu de vie. Les citoyens pourront participer à des ateliers de cuisine collective, de transformation alimentaire et à diverses activités favorisant la mixité sociale. « On veut changer le paradigme de l’aide alimentaire. Ce n’est plus seulement du don, mais un accompagnement pour que les gens reprennent du pouvoir sur leur vie », insiste Geneviève Chabot.
Les personnes en situation d’itinérance y sont accueillies sans distinction. L’approche repose sur la dignité et la personnalisation : chacun choisit les aliments qui correspondent à ses goûts et à sa réalité, évitant ainsi le gaspillage et renforçant l’autonomie.
« De cette façon-là, on évite la stigmatisation », ajoute Éliza Laroche.
Une initiative collective et financée
Le projet est porté par la CDC et ses partenaires, avec l’appui de la Ville de Saint-Jérôme et de la MRC de la Rivière-du-Nord. Le financement de la Fondation Lucie et André Chagnon a été déterminant pour lancer ce laboratoire expérientiel.
Cette démarche s’appuie sur des constats concrets : désert alimentaire au centre-ville, absence d’épicerie accessible sans voiture, besoins importants des organismes en denrées. Des groupes d’achats et des achats regroupés qui permettraient de réduire les coûts et d’augmenter l’efficacité des services.

L’équipe du CAAMS en compagnie de TAPAJ fier de la création du Centre d’autonomie alimentaire multiservice.
Des projets pilotes déjà en action
Dans le cadre de sa mise en œuvre, le CAAMS a déjà déployé plusieurs projets pilotes visant à répondre à des besoins concrets sur le territoire :
• Aide alimentaire en soirée pour les travailleurs et étudiants, afin d’éviter de manquer des heures de travail ou de cours. Depuis septembre, la fréquentation a plus que doublé, rapporte Éliza Laroche.
• Soupers communautaires du mercredi soir, organisés au Centre de la famille, accueillant jusqu’à 70 personnes, majoritairement en situation d’itinérance ou vulnérables. Ces repas répondent autant à la faim qu’au besoin de socialisation et de sécurité, l’ambiance chaleureuse et la présence d’intervenants professionnels transforment ces moments en véritables portes d’entrée vers d’autres services, rappelle Geneviève Chabot.
Professionnaliser l’approche communautaire
Pour les responsables du CAAMS, le projet doit rester communautaire tout en étant professionnel. « On ne fait pas juste donner de la nourriture. L’objectif, c’est de soutenir les gens, d’améliorer leur qualité de vie et de créer un filet social », insiste Geneviève Chabot.
Le centre collabore avec Centraide Laurentides, qui finance un volet de travail « de milieu » en sécurité alimentaire. Un intervenant se déplace dans différents comptoirs pour offrir un accompagnement personnalisé aux usagers.
Le CAAMS travaille aussi avec TAPAJ (Travail Alternatif Payé À la Journée), un programme qui propose aux personnes en situation d’insertion socioprofessionnelle un dépannage économique sous forme de courts plateaux d’implication dans la communauté. Ces plateaux permettent aux participants d’être rémunérés en fin de journée pour une activité professionnelle qui ne nécessite ni qualification ni expérience particulière, et qui n’engage pas dans la durée. Concrètement, les participants peuvent contribuer à des tâches utiles comme le tri des denrées ou l’entretien des espaces, tout en bénéficiant d’une première expérience valorisante.
En parallèle, le CAAMS développe des plateaux de travail et de réinsertion avec des partenaires tels que Carrefour jeunesse emploi, Cap emploi ou encore des organismes spécialisés en déficience intellectuelle. Ces initiatives visent à stimuler les compétences, favoriser l’inclusion et offrir des opportunités adaptées à différents profils, qu’il s’agisse de jeunes en préemployabilité, de personnes vivant avec une déficience ou même de personnes âgées souhaitant s’impliquer.
Une vision évolutive
Le CAAMS est pensé comme un projet flexible, capable de s’adapter aux besoins du territoire.
« Il n’y a pas une recette, il y en a mille » — Geneviève Chabot.
Les cuisines collectives et les activités d’économie sociale devraient être pleinement opérationnelles d’ici le printemps 2026. En attendant, le centre reste ouvert lors des périodes de crise, comme les récentes alertes de grand froid, offrant un lieu de répit et de chaleur.
« On va aussi voir ce que les gens veulent, ce dont ils ont besoin, ce qu’ils ont envie de faire », conclut Éliza Laroche.
L’équipe entend poursuivre le développement en collaboration avec les organismes et la communauté, afin de bâtir un filet social solide et durable.

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