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Plus de 300 personnes marchent en mémoire de Gabie Renaud

Photo Marie Pier Lafleur –

Rachel Renaud et plus de 300 personnes se sont rassemblées pour une marche à la mémoire de Gabie Renaud, victime d’un féminicide survenu en septembre.

Plus de 300 personnes marchent en mémoire de Gabie Renaud

Publié le 23/10/2025

Devant le poste de police de Saint-Jérôme, plus de 300 personnes se sont rassemblées pour une marche à la mémoire de Gabie Renaud, victime d’un féminicide survenu en septembre.

Une mobilisation citoyenne empreinte de douleur et de solidarité… mais surtout : un appel urgent au changement.

Gabie Renaud a été assassinée par son conjoint, Jonathan Blanchet. Mais ce 19 octobre, c’est sa mémoire, sa dignité et sa voix que sa famille et la communauté ont portées haut. Sa sœur, Rachel Renaud, a pris la parole avec courage. « C’est difficile d’accepter ce qui s’est passé. Mais si au moins une petite chose peut changer dans le système, sa mort ne sera pas en vain. », mentionne-t-elle.

Rachel dénonce les failles du système judiciaire, les coupures dans les services, et le manque de communication entre les instances. Elle rappelle que Jonathan Blanchet avait déjà fait l’objet de multiples accusations, dans plusieurs juridictions, sans que les informations soient partagées ni les risques évalués adéquatement.

« Il a fallu que Gabie soit arrachée à ses enfants, à sa famille, pour qu’il y ait des réactions. » — Rachel Renaud

Parmi les personnes présentes, Nancy Boucher, ex-conjointe de Jonathan Blanchet, a livré un témoignage poignant. Elle a vécu quatre années de violence conjugale, ponctuées de voies de fait et de procédures judiciaires.

« J’ai fait arrêter Jonathan 13 fois. Il y avait une trentaine de chefs d’accusation juste pour moi. Et pourtant, il a été relâché. » — Nancy Boucher

Nancy avait prévenu les autorités dès 2021 du danger que représentait Jonathan Blanchet. En avril dernier, Gabie Renaud l’a contactée, inquiète pour sa sécurité. Une relation de confiance s’est alors tissée entre les deux femmes. « Elle se sentait écoutée et moi je voulais lui offrir ça. C’était rendu une amie. », dit-elle.

Nancy dénonce elle aussi les lacunes du système : la loi Corbett, qui empêche les juges de considérer les antécédents dans certaines procédures, le manque de suivi des agents de probation, et l’absence de registre public pour informer les femmes. « C’est toujours la même histoire qui se répète quand il y a des féminicides. Il faut que ça change. », dénonce-t-elle.

Michel Gagnon, ex-policier du service de Laval et porte-parole de la Commission en sécurité publique à la Ville de Saint-Jérôme, était également présent. Fort de son expérience sur le terrain, il a décrit une mécanique judiciaire qui s’essouffle dès que les conditions de libération sont bafouées. « Ce que je vois aujourd’hui, je l’ai vécu trop souvent dans ma carrière de policier. C’est une roue qui tourne. On arrête, on impose des conditions, elles sont brisées, on réarrête… mais rien ne change. », dénonce M. Gagnon.

Selon lui, les policiers font leur part, mais le reste du processus échappe à leur contrôle. « Le poids repose sur les services de police, mais ce sont les tribunaux qui décident. Et trop souvent, les bris de conditions ne mènent pas à une détention ferme. », rapporte-t-il.

M. Gagnon appelle à une réforme du Code criminel, notamment dans l’analyse du risque de récidive. Il souligne le travail du député Rhéal Fortin, engagé dans ce dossier, mais insiste sur l’urgence d’agir avant qu’un autre drame ne survienne. Lorsqu’un individu brise ses conditions à répétition, la détention devrait être automatique, explique M. Gagnon.

« Quand il y a un meurtre, on se pose des questions. Mais c’est trop tard. » — Michel Gagnon

Stéphane Wall, superviseur retraité du SPVM, a lui aussi partagé son opinion sur les politiques de remise en liberté. Pendant ses 29 années de service, il a été confronté à de nombreux cas de violence conjugale et de féminicides.

Depuis l’adoption de la loi C-75 en 2019, les policiers doivent tout faire pour libérer, même dans des cas de violence contre la personne. C’est un principe de retenue qui banalise les risques, selon lui. Stéphane milite pour un resserrement des critères de libération, particulièrement pour les multirécidivistes.

« On est tous pour la réhabilitation, mais pas à tout prix. Combien de chances donne-t-on à un homme violent avant qu’il fasse une autre victime ? Trois ? Cinq ? Dix ? Vingt ? » — Stéphane Wall

Il déplore que les droits des criminels violents soient parfois mieux protégés que ceux des victimes et leurs familles.

Une dizaine d’intervenants sociaux des mesures d’urgence du CISSS des Laurentides étaient sur place pour offrir écoute, soutien et orientation vers des ressources aux personnes qui en ressentaient le besoin. Leur présence témoignait de l’importance d’un filet de sécurité accessible et humain.

Alors que l’année 2025 compte déjà 14 féminicides au Québec, la mobilisation du 19 octobre rappelle que chaque nom, chaque histoire, mérite d’être entendu. Gabie Renaud était une mère, une sœur, une amie. Et aujourd’hui, elle devient aussi un symbole de résistance et de solidarité.

Ressources disponibles 24/7 :

• SOS violence conjugale : 1-800-363-9010
• Maison d’Ariane (Saint-Jérôme) : 450-432-9355
• Info-Social : 811, option 2