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L’itinérance c’est quoi?

Crédit photo : Marie Pier Lafleur –

Un abri de fortune construit par un sans-abri.

L’itinérance c’est quoi?

Publié le 30/01/2025

François Savoie, directeur de la Hutte, a été travailleur de rue durant de nombreuses années.

Il connaît bien les gens qui y vivent et a accepté de partager sa perspective sur l’itinérance dans le cadre de notre dossier consacré à la question.

Sur le site Internet de la Hutte, on peut lire une définition claire de ce que vivent ces gens en situation d’itinérance :

« L’itinérance désigne un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale qui se manifestent par la difficulté pour une personne d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre en raison de la faible disponibilité de logements ou de son incapacité à s’y maintenir. Cela s’accompagne à la fois de la difficulté de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté. L’itinérance s’explique par la combinaison de facteurs sociaux et individuels qui s’inscrivent dans le parcours de vie.

L’itinérance se caractérise par l’absence ou l’impossibilité d’avoir un “chez-soi”, un lieu où l’on se sent bien et protégé, un lieu à soi, où l’on retourne pour se reposer et pour se retrouver dans l’intimité. Ne pas avoir de domicile, être sans adresse fixe ou dans des conditions de logement très instables, c’est être sans chez-soi. »

Itinérance visible et cachée

Il est difficile d’évaluer l’ampleur de l’itinérance, explique M. Savoie, en raison de l'”itinérance cachée”. Certains font du « couchsurfing », c’est-à-dire qu’ils se promènent d’un allié à l’autre, d’amis en famille. L’hypothèse est que la majorité des gens en itinérance appartiennent à cette catégorie. Forcément, l’itinérance visible ne serait alors que la pointe de l’iceberg, déclare le directeur de La Hutte.

Les types d’itinérance

Il existe trois types “officiels” d’itinérance : situationnelle, cyclique et chronique.

M. Savoie mentionne que dans la Politique nationale de lutte à l’itinérance, adoptée en 2014, on décrit l’itinérance situationnelle comme un état temporaire. Cela survient lorsqu’un événement, comme un décès ou une séparation, plonge une personne dans une difficulté momentanée. Ces individus, bien que sans logement sur le moment, parviennent souvent à se reloger, établir de nouveaux contacts sociaux et rebâtir leur vie. 

L’itinérance cyclique ou épisodique, touche les gens qui alternent entre des périodes de stabilité et des périodes d’itinérance. Cela peut être très variable, explique M. Savoie. Prenons quelqu’un qui consomme de manière excessive, qui perd tout ses acquis, perd son emploi, sa conjointe, se retrouve en situation de vulnérabilité, se retrouve à la rue, arrête de consommer, se remet en couple, se retrouve un logement, retrouve un emploi. Cette personne se sent capable, reprend un petit verre, rechute et retourne à la rue.

Enfin, l’itinérance chronique est la plus visible et la plus préoccupante. Ce sont des gens qui ont été sans logement pendant au moins six mois dans la dernière année. Certains vivent dans la rue depuis 10, 20 ans ou plus. Ils présentent souvent des blessures physiques et mentales profondes, et leur réinsertion et la réaffiliation est un processus très long, rapporte M. Savoie.

Errance et préjugés

M. Savoie précise qu’il est important de ne pas confondre itinérance et errance. Les gens qu’on voit dans la rue ne sont pas tous en situation d’itinérance. Certains sont simplement en errance : ils sortent de chez eux, se promènent dans les lieux publics et retournent dans leur logement le soir venu. Ces personnes peuvent être logées dans des ressources intermédiaires ou des familles d’accueil, suivis en santé mentale ou en déficience intellectuelle ou pris en charge pour d’autres problématiques. Leur réseau social est souvent dans la rue, mais cela ne signifie pas qu’ils sont sans toit.

On les retrouve au parc, dans les endroits publics, dans les centres d’achat. On les voit beaucoup, mais ce ne sont pas des gens en situation d’itinérance. Même si on les confond facilement, ce sont deux choses différentes.

Le regard des autres

Un jeune homme qui vivait dans la rue a confié à M. Savoie que le plus dur n’était pas de dormir dehors par grand froid, mais de croiser le regard des gens. Ce qui est le plus difficile, c’est le regard des gens, d’y voir la peur et le mépris. 

« C’est de l’incompréhension, on ne connaît pas ce phénomène. On ne le connaît pas assez, donc on le juge. On a peur, on le regarde avec nos propres standards, avec notre propre compréhension. Mais ultimement, ça crée des blessures. » – François Savoie

L’« accueil » peut prendre plusieurs formes. La Hutte est une maison d’hébergement, mais il n’est pas nécessaire d’intervenir de façon aussi officielle. Une personne qui prend le temps de s’arrêter, par exemple, de discuter avec ces gens, ça a la même qualité, ça a la même valeur, sinon plus, dit-il.

« C’est gratuit, c’est simple, c’est juste la rencontre entre deux êtres humains et un qui s’intéresse à l’autre. » -François Savoie

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