Ils n’ont pas choisi de dormir dans des abris de fortune, de subir la pluie en automne, le froid glacial de l’hiver ou la fonte des neiges au printemps. Ils ont plutôt fait le choix de quitter un système et de s’éloigner d’une société qui ne leur convient pas.
Une vision différente de l’itinérance
Patrick ne se considère pas comme un itinérant, mais plutôt comme un homme libre.
« Je ne me considère pas sans-abri puisque j’ai une tente. Je suis juste sans domicile fixe. Je pourrais même dire sans domicile, tout court. »
— Patrick
Le parcours de Patrick
Patrick a 58 ans et vit dans la rue depuis deux ans. Ce choix, explique-t-il, est motivé par son désir de retrouver une véritable liberté. « La liberté, ce n’est pas un sentiment, c’est physique, il faut la vivre. »
Ancien carreleur, il a cessé de travailler et coupé les ponts avec un système qui ne correspond plus à ses valeurs.
« La pauvreté est un vrai fléau. Ça fait plus de 2 000 ans que le système essaie de régler le problème de la pauvreté et de l’itinérance, mais il n’a pas réussi. Il faudrait qu’il change de méthode. »
— Patrick
Viking : 15 ans dans la rue
Viking, 37 ans, a fait le choix de la rue il y a une quinzaine d’années.
« Le système, moi, je n’y adhère pas. Pis le moins que j’y adhère, le mieux c’est pour moi[…] Je me suis rendu compte que peu importe ce que je faisais, peu importe le salaire que je faisais, je n’étais pas heureux. »
Aujourd’hui, son quotidien se partage entre la recherche d’un repas chaud et la découverte de nouveaux endroits où dormir. Il change régulièrement d’endroit pour éviter d’être expulsé ou verbalisé par les autorités. Il récupère et transforme des objets trouvés dans la rue pour créer de l’art.
« C’est ma manière d’enlever un peu de surabondance, de surconsommation, d’aider la Terre, d’essayer d’en faire quelque chose de beau. Et parfois, j’arrive à vendre mes œuvres. »
Un regard différent sur la quête
Pour survivre, Viking pratique la mendicité, mais insiste sur son approche respectueuse.
« J’écris sur un papier “Merci, bonne soirée”. Je précise aussi que toute offrande est appréciée. Je mets un petit pot de change à côté. Oui, je quète, mais je n’arrête pas les gens. Je les laisse venir à moi, comme si tout le monde m’accueillait. »
Le regard des autres
Patrick se souvient d’une scène marquante:
« Une amie était assise à côté de la porte d’un lieu public. Il était évident qu’elle était en situation d’itinérance. Une femme est passée juste à côté d’elle sans même la regarder… pour aller voir un agent de sécurité et lui dire qu’un chien était seul dans une voiture et que ce n’était pas acceptable par temps froid. »
François Savoie, intervenant en itinérance depuis 30 ans, apporte ses lumières sur ce rejet du système qu’il a souvent constaté.
« Beaucoup finissent par se convaincre qu’ils ont choisi la rue, mais c’est souvent une manière de gérer une réalité dure. Se recréer un réseau, retrouver une identité sociale, c’est ce qui permet de sortir de l’itinérance. »
Il insiste sur le fait que l’itinérance ne se résume pas uniquement à un manque de ressources matérielles.
« L’isolement social est un élément central. Sans un réseau stable, sans un entourage qui soutient et ouvre des opportunités, il est difficile de voir une alternative viable à la rue. »
Pour M. Savoie, il ne suffit pas de proposer un logement pour régler l’itinérance. « Il faut travailler sur la reconstruction des liens, l’accompagnement et l’appartenance à une communauté. Ce sont ces piliers qui permettent à une personne en situation d’itinérance de véritablement entrevoir un avenir différent. »
À lire également:
Des citoyens au conseil de ville pour le « Rack à Yannick »
L’itinérance, c’est quoi?
Le Centre le Phénix accueille les femmes en situation d’itinérance
L’ESPOIR multidisciplinaire au secours de l’itinérance
Le devoir collectif des États généraux sur l’itinérance
Le « Rack à Yannick » démantelé par obligation
MOTS-CLÉS
Saint-Jérôme
St-Jérôme - Itinérance